Qu’est-ce qu’une habitation accessible et inclusif ?

Une habitation est un lieu de résidence stable qui peut prendre plusieurs formes : maison unifamiliale, plex, immeuble multifamilial, condominium, logement, chambre, résidence étudiante, résidence pour personnes âgées, etc.

Une habitation accessible et inclusive est un espace conçu pour toute personne, quelles que soient ses capacités, ses aptitudes ou son âge, puisse y résider, réaliser ses activités quotidiennes et assumer ses responsabilités familiales et parentales. Ce type d’habitation élimine les obstacles rencontrés pour les personnes en situation de handicap grâce à des aménagements profitant également à tous les autres résidents. Lorsque les aménagements inclusifs atteignent leur limite de capacité, des services à domicile, des aides techniques et des adaptations viennent répondre aux besoins spécifiques.

Outre les caractéristiques générales d’un environnement bâti accessible et inclusif, une habitation accessible et inclusive doit être conçue, construite, rénovée et entretenue de manière à garantir que :

  • Les circulations à l’intérieur du bâtiment permettent l’accès à tous les services communs et à chaque logement. Dans les plex et les bâtiments multifamiliaux sans ascenseur, seuls les logements du rez-de-chaussée sont accessibles.
  • Les circulations dans chaque unité d’habitation donnent accès à toutes les pièces et fonctionnalités. Les logements à deux étages sont à éviter. Sinon, une chambre et une salle de bain complète doivent être prévues au rez-de-chaussée.
  • Les salles de toilettes disposent d’un espace suffisant pour permettre les manœuvres et sont équipées pour être utilisables par tous.
  • Les chambres sont suffisamment grandes pour permettre la manœuvre une fois meublées.
  • La cuisine offre des espaces de circulation et des équipements utilisables par tous.
  • Tous les contrôles et équipements (hauteur et ouverture des fenêtres, contrôle de température, etc.) sont accessibles et utilisables par tous.
  • Les adaptations futures aux besoins spécifiques d’une personne ayant des incapacités peuvent être réalisées facilement, avec un minimum de travaux.

Portrait de la situation

Au Québec, l’offre en habitations accessibles et inclusives est insuffisante, alors que la demande pour ce type de logements est élevée. Cette situation exerce une forte pression sur les programmes d’adaptation de domicile, souvent perçus comme la seule solution pour effectuer les ajustements nécessaires. Les délais d’attente se comptent en années, obligeant ainsi de nombreuses personnes à vivre dans des environnements qui ne répondent pas à leurs besoins. Contrairement à d’autres citoyens, les personnes ayant une incapacité ne peuvent souvent pas choisir librement leur logement, déménager dans un autre quartier plus proche de leur travail ou s’adapter à un changement dans la composition de leur ménage.

Par définition, une habitation accessible et inclusive peut être occupée par tous. Cependant, en raison de sa rareté, on privilégie souvent l’accès à ces logements pour les personnes ayant des incapacités, ce qui peut entraîner un risque de ghettoïsation.

Rendre accessibles et inclusives la majorité des habitations est essentiel pour offrir aux personnes ayant une incapacité un véritable choix de logement pour permettre à toute la population de profiter des avantages de ce type d’habitation. Bien que le Québec ait amorcé des progrès avec les changements réglementaires adoptés en 2018, leurs retombées pour les personnes concernées se font encore attendre.

Enfin, le Québec fait face à une crise sans précédent en matière de disponibilité et de l’abordabilité des logements. Les mesures visant à résoudre cette crise devront impérativement intégrer l’accessibilité universelle, pour que personne ne soit laissé de côté. Encadrer ces efforts par une Politique nationale en habitation (en développement depuis plus d’une décennie) et un plan d’action gouvernemental en habitation (annoncé à plusieurs reprises comme imminent depuis quelques années) est également nécessaire pour structurer cette réponse.

L’offre actuelle en habitation accessible et inclusive

Il n’existe pas au Québec d’inventaire exhaustif des logements accessibles, indiquant leur nombre, leur emplacement ou leur typologie. La diversité des terminologies (visitable, adapté, accessible, adaptable), des caractéristiques variées et des multiples propriétaires rend leur dénombrement complexe. De plus, il n’y a pas de système de mise en marché spécifique pour faciliter la recherche d’un logement accessible pour les personnes en situation de handicap, ni pour permettre aux propriétaires de trouver des locataires ou acheteurs pour ces logements.

Comme pour l’environnement bâti en général, la majorité des habitations au Québec date de plusieurs décennies. À Montréal, par exemple, 71 % des logements ont été construits avant 1980, avec des configurations souvent peu adaptées à l’accessibilité universelle (escaliers extérieurs, escaliers en colimaçon, rez-de-chaussée surélevé, etc.). Pour les rendre accessibles, des travaux de rénovation ou d’adaptation de domicile importants sont nécessaires, réalisés uniquement sur une base volontaire.

Depuis 1976, les nouveaux bâtiments résidentiels de trois étages et plus, comptant au moins huit logements, doivent respecter certaines exigences d’accessibilité dans leurs parties communes. Quarante ans plus tard, en 2018, les premières exigences réglementaires d’accessibilité pour l’intérieur des unités d’habitation ont été introduites, sur la base d’études montrant que les coûts supplémentaires pour une conception minimalement accessible ou adaptable (accessibles et inclusifs) étaient minimes. Après une période d’adaptation pour les concepteurs et les développeurs, les premières unités accessibles non volontaires ont été mises en chantier en 2020. Cette année-là, 38 000 logements collectifs de type appartements ont été mis en chantier, représentant moins de 1 % du parc résidentiel québécois. Bien que ces unités soient une avancée, elles sont souvent minimalement accessibles, de petite taille et plus coûteuses que les logements existants, limitant ainsi leur accessibilité financière pour de nombreuses personnes en situation de handicap.

En 2022, le Québec comptait près de 136 000 logements sociaux. Selon l’Office des personnes handicapées du Québec, seulement 1 % de ces logements étaient réservés aux personnes en situation de handicap. Dans le cadre du programme AccèsLogis (36 200 unités construites), la Société d’habitation du Québec avait fixé des exigences élevées d’accessibilité : 10 % des logements devaient être adaptables dans les petits bâtiments d’habitation et 100 % (soit 30 % à Montréal) dans les plus grands bâtiments. Toutefois, peu de données sont disponibles sur les unités effectivement réalisées, et à Montréal, la majorité des logements adaptables réalisés dans le cadre du programme sont destinés aux personnes âgées. Le Programme d’habitation abordable Québec, qui a remplacé AccèsLogis, exige désormais que 10 % des logements soient adaptables, indépendamment de la taille du bâtiment, ce qui constitue un recul.

À Montréal, parmi les 20 810 habitations HLM gérées par l’Office municipal d’habitation de Montréal, seulement 631 sont adaptées (3 %), dont 104 (0,5 %) sont destinées à des familles. Les délais d’attente pour obtenir un logement HLM augmentent dans tout le Québec et touchent davantage les personnes nécessitant un logement adaptable ou accessible suffisamment grand pour accueillir une famille. En 2021, le délai d’attente moyen à Montréal atteignait 5,7 ans.

La demande en habitation accessible et inclusive

Il n’existe pas d’analyses précises sur la demande en habitation accessible et inclusive. Cependant, en 2017, au Québec, 1 053 350 personnes déclaraient avoir une incapacité significative et persistante affectant leurs activités quotidiennes, soit 16,1 % de la population. Parmi elles, plus de 260 000 utilisaient des aménagements particuliers dans leur résidence et 15 % de ce nombre (soit 39 000 personnes) vivaient dans des logements mal adaptés. De plus, 70 000 personnes n’avaient pas d’aménagements spécifiques mais en auraient eu besoin, ce qui porte à près de 110 000 le nombre de personnes ayant besoin d’une habitation accessible et inclusive à court terme.

Le vieillissement de la population accentue cette demande. La prévalence des limitations fonctionnelles augmente drastiquement avec l’âge, atteignant un taux d’incapacité de 57,2 % chez les Québécois de 65 ans et plus, et de 84 % chez ceux de 85 ans et plus. Avec 25 % de la population québécoise qui sera âgée de 65 ans et plus en 2031, et 25 % de la population ayant 85 ans et plus d’ici 2061, la demande future pour des habitations accessibles et inclusives devrait croître de manière exponentielle. De nombreux aînés souhaitent déjà ce typed’habitation pour demeurer autonomes le plus longtemps possible. Les proches et amis des aînés et des personnes en situation de handicap recherchent également des habitations accessibles et inclusives, pour la visitabilité, leur sensibilité accrue aux enjeux d’accessibilité, ainsi que leur côté pratique et fonctionnel.

Les personnes en situation de handicap ne vivent pas toujours seules. En 2017, par exemple, 21 % d’entre elles résidaient dans un ménage comptant au moins un enfant de moins de 18 ans. Faute de logements adaptés pour les grands ménages, leur seule option est souvent un foyer plus spacieux mais inadapté aux limitations fonctionnelles, ce qui crée des situations de dépendance et de vulnérabilité. Il y a donc une demande pour des habitations accessibles et inclusives de différentes tailles, permettant de répondre à divers choix de vie.

Les personnes avec incapacité sont également plus souvent locataires que celles sans incapacité. Près de la moitié des personnes ayant des difficultés de motricité sont locataires et la majorité d’entre elles vivent sous le seuil de faible revenu. Cependant, seulement une personne en situation de handicap sur sept habite un logement subventionné. Cette situation devient critique en période de pénurie de logements avec la discrimination de certains propriétaires, le refus des travaux d’adaptation et la hausse des loyers.

Enfin, 9,4 % des personnes en situation de handicap vivent dans un logement nécessitant des réparations majeures, comparativement à 6,7 % des personnes sans incapacité.

L’adaptation de domicile

Adapter son domicile devient souvent la seule solution lorsque les besoins d’une personne évoluent, qu’elle ne parvient pas à trouver une habitation adéquate, ou lorsque des modifications sont nécessaires dans un logement accessible et inclusif. Cela implique d’entreprendre des travaux de rénovation parfois majeurs. Cependant, tout le monde n’a pas la volonté ou les moyens de se lancer dans ces rénovations, d’autant plus que vivre quotidiennement dans un logement inadapté est déjà éprouvant.

Quelques programmes d’aide à l’adaptation de domicile existent, chacun visant des clientèles spécifiques avec ses propres règles et critères, certains étant plus simples et/ou plus généreux que d’autres, ce qui crée des inégalités entre les demandeurs en termes de délais d’attente, d’assistance et de soutien financier. Nous pensons notamment aux programmes destinés aux victimes d’accidents de travail ou de la route, aux anciens combattants ou aux personnes vivant dans une collectivité autochtone.

La majorité des personnes en situation de handicap, ne répondant pas aux critères de ces programmes spécifiques, doit se tourner vers le Programme d’adaptation de domicile de la Société d’habitation du Québec (ou vers son équivalent municipal pour la Ville de Montréal) pour obtenir de l’aide pour les travaux visant à répondre à leurs besoins essentiels. En 2022, ce programme n’a permis de réaliser que 1101 adaptations de domicile. Depuis sa création en 1990, le programme n’a jamais été en mesure de répondre à la demande, avec des délais d’attente prolongés, un taux élevé d’abandon, des besoins partiellement satisfaits et une clientèle majoritairement composée de propriétaires occupants, alors que les personnes en situation de handicap sont principalement locataires.

Les unités de logement en HLM ne sont pas admissibles au Programme d’adaptation de domicile (PAD). Les adaptations nécessaires dans ces habitations doivent être financées à même les budgets d’entretien et de réparation des bâtiments, dans un contexte de déficit chronique de l’entretien du parc HLM au Québec.

Autres éléments à prendre en compte

D’autres éléments influencent la capacité d’une personne ayant des incapacités à participer socialement depuis son domicile. Parmi ces éléments, on retrouve :

  • Le coût de son logement en fonction de ses capacités financières.
  • La disponibilité, la variété et l’accessibilité des commerces et des services à proximité de sa résidence.
  • La disponibilité et l’accessibilité des moyens de transport : transport collectif, transport adapté, aménagements piétonniers, stationnement, etc.
  • La suffisante des services d’aide à domicile.

De plus, pour certaines personnes, vivre de façon autonome nécessite une supervision ou une assistance pour réaliser les activités du quotidien. Ce soutien peut prendre diverses formes, allant des services d’aide à domicile à la mutualisation d’heures de service pour une présence continue (24/7), ou même des projets initiés par des parents pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme. Dans tous les cas, flexibilité et collaboration avec le réseau de la santé et des services sociaux sont primordiales pour éviter l’institutionnalisation.

Normes et obligations

Au Québec, les exigences de construction relèvent de la Régie du bâtiment du Québec pour les grands bâtiments (plus de trois étages ou plus de huit logements) et des municipalités pour les petits bâtiments (trois étages ou moins et huit logements ou moins).

Depuis 1976, les espaces communs des grands bâtiments résidentiels doivent respecter des normes d’accessibilité, tandis que les premières exigences pour l’intérieur des logements ne sont apparues qu’en 2018. Pour les bâtiments de quatre étages et moins, la réglementation actuelle ne comporte aucune obligation concernant la présence d’un ascenseur, ce qui réduit le nombre de logements accessibles, même avec les nouvelles exigences. Quant aux unités d’habitation situées dans les résidences pour aînés, elles ne sont pas assujetties à ces normes.

Certaines municipalités du Québec ont adopté des exigences d’accessibilité plus strictes que le Code de construction du Québec pour les nouveaux bâtiments construits sur leur territoire. À Laval, en plus de rendre l’entrée principale accessible, 50 % des entrées doivent l’être également, et 10 % des logements dans les bâtiments de 13 logements ou plus doivent être adaptables. La ville de Drummondville exige des portes élargies et Victoriaville impose des corridors et des portes élargis dans toutes les typologies d’habitation, y compris les habitations unifamiliales.

Outre les normes pour les grands bâtiments, le Code de construction contient des directives pour les petits bâtiments. Par exemple, si la différence de hauteur entre l’entrée du bâtiment d’habitation et le rez-de-chaussée est de 600 mm ou plus, l’accessibilité n’est pas requise, ce qui engendre la présence de bâtiments dotés de logements en demi-sous-sol ou d’escaliers intérieurs dans le vestibule d’entrée, rendant les adaptations ultérieures très difficiles. Les municipalités peuvent également exiger une accessibilité universelle accrue dans certains secteurs ou pour certains projets grâce à leurs règlements d’urbanisme. Les consultations publiques permettent aux citoyens d’influencer ces règlements pour favoriser une meilleure prise en compte de l’accessibilité universelle.

En complément de la réglementation, des normes et des programmes volontaires existent pour encourager les propriétaires et les donneurs d’ouvrage à améliorer l’accessibilité des habitations.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) soutient le logement accessible depuis de nombreuses années, en appuyant le développement et la rénovation de logements sociaux et communautaires, ainsi que la recherche et le partage de connaissances en matière d’habitation. Elle propose également de nombreux documents d’information sur l’accessibilité des logements.

La Société d’habitation du Québec (SHQ) gère de nombreux programmes d’amélioration de l’habitation. En plus de l’adaptation de domicile, elle établit les règles et les budgets pour le déploiement et l’entretien du parc de logements HLM, la gestion des unités AccèsLogis ainsi que du logement abordable (Programme d’habitation abordable Québec), et fournit un soutien financier à certains ménages pour payer leur loyer. Bien que l’accessibilité soit présente dans plusieurs programmes de la SHQ, elle n’est ni systématique ni transversale. En février 2023, le gouvernement a annoncé le retrait du programme AccèsLogis sans proposer de remplacement pour garantir l’accessibilité des logements.

L’Association canadienne de normalisation a élaboré la norme B652 sur le logement accessible, qui offre des dimensions et des solutions pour faciliter l’accessibilité du logement, mais son application reste optionnelle.

Bonnes pratiques pour améliorer l’approvisionnement accessible

Ressources disponibles

Subventions :

Documentation :

Fiche rédigée en collaboration avec la Société Logique.