Comment bâtir des communautés sécuritaires et équitables ?

Selon les récents résultats de l’Enquête canadienne sur l’incapacité publiés en décembre 20231 , 8 millions de personnes, soit 27 % de la population canadienne, vivent avec une ou plusieurs incapacités. Parmi elles, plus de la moitié sont des filles et des femmes âgées de plus de 15 ans.

L’INÉÉI-PSH adopte une approche fondée sur le cadre d’analyse intersectionnelle (ADS+, ACS+), tenant compte des capacités différentes et des multiples formes d’incapacités. Cette perspective s’aligne sur la définition du handicap établie par la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH-ONU) et en parfaite adéquation avec l’approche du MDH-PPH.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance

La sécurité et l’élimination des violences sont la responsabilité de toute la société, et non uniquement celle des victimes ou des survivantes. Conformément à l’article 16 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, chaque individu a le droit de vivre en sécurité.

Portrait de la situation

Le risque de victimisation des personnes en situation de handicap est parmi les plus élevés dans la société. Celui des femmes, en particulier, est deux fois supérieur à celui de leurs consœurs sans limitation. Ce risque s’accroît davantage lorsqu’elles sont issues de l’immigration2.

Facteurs de vulnérabilité :

  • Âge ;
  • Statut socioéconomique ;
  • Origine ethnoculturelle ;
  • Situation familiale ;
  • Situation financière ;
  • Orientation sexuelle ;
  • Degré de dépendance (absence d’autonomie) ;
  • Etc.

Quelques exemples spécifiques

La dépendance financière et sociale à leur conjoint rend les femmes en situation de handicap particulièrement plus vulnérables à la violence conjugale. L’accès à des ressources et à un soutien adéquat est essentiel pour leur bien-être et leur intégration3.

Selon une étude de Statistique Canada menée en 2018, plus de la moitié des femmes ayant une incapacité ont subi une forme ou une autre de violence entre partenaires intimes au cours de leur vie. Elles sont également quatre fois plus susceptibles d’avoir été agressées sexuellement par un partenaire intime.

Par ailleurs, les femmes nouvellement arrivées vivent souvent des situations de violence liées à leur parcours migratoire précaire. Elles peuvent, par exemple, subir des menaces liées à leur parrainage. De même, les femmes dans une relation homosexuelle peuvent être victimes de chantage, leur agresseur menaçant de révéler leur orientation sexuelle4.

Les résultats de l’Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation de 2014 montrent que, parmi les personnes ayant une incapacité qui ont été victimes de violence conjugale dans l’année précédant l’enquête, les femmes étaient :

  • Plus susceptibles que les hommes d’avoir subi les formes les plus graves de violence conjugale (39 % contre 16 %) ;
  • Plus susceptibles d’avoir subi des blessures corporelles à la suite de l’incident violent (46 % contre 29 %) ;
  • Plus susceptibles d’avoir craint pour leur vie (38 % contre 14 %).

Les différentes formes de violences :

  • Psychologique et verbale
  • Conjugale et post-séparation
  • Institutionnelle ou systémique
  • Obstétricale
  • Destruction de matériel d’aide à la mobilité
  • Privation d’animaux d’accompagnement ou de soutien émotionnel
  • Financière
  • Sexuelle
  • Physique
  • Racisme et capacitisme (discrimination fondée sur les capacités)
  • Homophobie
  • Opportuniste
  • Sociétale
  • Obstacles du système juridique

La discrimination envers les personnes en situation de handicap se manifeste souvent par :

  • La négation de leurs droits, notamment le droit à l’autonomie et au choix libre et éclairé ;
  • La restriction de leur sexualité, de leur parentalité, et de leur accès à l’éducation, le travail, le loisir et des services de base ;
  • Leur exclusion sociale en raison de leur situation de dépendance.

Quelques obstacles sur lesquels agir

Une ignorance généralisée des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, en particulier des femmes et des enfants, persiste. Cette méconnaissance engendre craintes et blocages, rendant la communication avec elles difficile.

Les personnes en situation de handicap signalent des obstacles récurrents dans les domaines suivants :

  • Accessibilité

    Les services publics, privés et communautaires ne sont pas toujours adaptés.

  • Formation et sensibilisation des intervenants

    Ces lacunes entravent la reconnaissance des diverses formes de discrimination.

  • Manque de soutien adéquat

    Les personnes en situation de handicap mentionnent que des ressources essentielles demeurent inaccessibles.

Parmi les obstacles spécifiques rencontrés pour accéder à des ressources d’aide :

  • La police, la famille, les conseillers, les travailleurs des refuges, les avocats, les infirmières, les travailleurs sociaux ou les collègues ne les croient pas.
  • Un manque de connaissances des abus, rendant difficile leur identification.
  • L’absence d’information sur les services disponibles.
  • Un statut migratoire souvent précaire.
  • L’itinérance cachée, rarement prise en compte par les structures décisionnelles.
  • Une inaccessibilité persistante des ressources, même lorsqu’elles sont identifiées.
  • Des préjugés tenaces, qui aggravent l’exclusion et la stigmatisation.

Normes et obligations

Selon l’article 17 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies5 : « toute personne handicapée a droit au respect de son intégrité physique et mentale sur la base de l’égalité avec les autres. »

Le gouvernement du Canada a confirmé ces droits en affirmant, par l’intermédiaire de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, que les personnes en situation de handicap bénéficient des mêmes droits et libertés que toutes les autres personnes6, notamment :

  • Le droit à l’égalité ;
  • Le droit à la protection contre l’exploitation ;
  • Les libertés et droits fondamentaux.

De plus, l’article 7 de la Charte canadienne des droits et liberté stipule : « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». Cela englobe la protection de l’intégrité physique et psychique de chaque individu7.

Au Québec, la politique À part entière : pour un réel exercice du droit à l’égalité pour les personnes handicapées, adoptée en 2007, établit deux axes prioritaires :

  1. Agir contre les préjugés, la discrimination et toute forme d’exploitation, de violence et de maltraitance ;
  2. Concevoir des lois, des politiques et des services sans obstacle […] ainsi qu’aménager des environnements accessibles.

Bonnes pratiques pour améliorer l’approvisionnement accessible

Les services de santé ont l’obligation d’adapter leurs prestations en fonction des besoins spécifiques des individus. Ces accommodements visent à rétablir l’égalité entre les personnes et à prévenir ou mettre fin à des situations de discrimination8.

L’utilisation d’un cadre d’analyse comparative de sexes+ (ACS+) et intersectionnelle permet de :

  • Comprendre comment diverses forces (obstacles, inégalités, etc.) se recoupent et interagissent, exacerbant les situations d’exclusion sociale, d’inégalité et d’insécurité, notamment pour les personnes en situation de handicap, en particulier les femmes et les enfants.
  • Reconnaître les spécificités des différents groupes de population afin d’identifier leurs besoins, leurs préoccupations et leurs priorités.
  • Mettre en œuvre des mesures d’équité pour atteindre une véritable égalité et inclusion.
  • Élaborer des politiques, des programmes et des services adaptés aux besoins réels de chaque groupe, tout en éliminant les obstacles systémiques pour favoriser leur inclusion économique et participation sociale.
  • Encourager une participation active en milieu de travail, dans les structures décisionnelles et les processus de gouvernance.

Mesures concrètes à mettre en place

Fiche rédigée en collaboration avec Selma Kouidri, directrice générale, avec la rétroaction de Hélène Rapanakis, agente de sensibilisation et de prévention et de Sarah Butshinke Kazadi, stagiaire en travail social chez INÉÉI-PSH.

  1. Statistique Canada. Nouvelles données sur l’incapacité au Canada, 2022. Gouvernement du Canada
  2. Étude par Milood Kothari, Rapporteur spécial sur les logements décents comme un élément du droit à un niveau de vie décent, Women and Adequate Housing, E/CN.4/2005/43, paragraphe 64.
  3. Office des personnes handicapées du Québec (2010). Évaluation des besoins d’adaptation des services offerts aux femmes handicapées victimes de violence conjugale. Drummondville : Service de l’évaluation de l’intégration sociale et de la recherche, Office des personnes handicapées du Québec.
  4. Institut national de santé publique du Québec. Trousse média sur la violence conjugale : Statistiques. Gouvernement du Québec.
  5. Commission des droits de la personne. Convention relative aux droits des personnes handicapées, OHCHR.
  6. Commission des droits de la personne. Personnes en situation de handicap.
  7. Gouvernement du Canada (2023). Article 7 – Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.
  8. Commission des droits de la personne. L’accommodement raisonnable.